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Kandidator s’est imposé comme l’un des tremplins les plus ouverts et les plus importants dans le milieu du café-théâtre.
Nombre d’artistes foulant les scènes lyonnaises ont débuté là, comme Vincent Boubaker (candidat au concours 2018) et Jean-Baptiste Siaussat (ancien candidat du concours national), que nous avons rencontré avant la prochaine session de Kanditator, au Rideau Rouge, ce lundi 26 mars.
Camille Werhlin, Jim, Jean-Baptiste, Jacques-Henri Nader, Vincent Boubaker… ces noms évoquent forcément quelque chose à celles et ceux qui prêtent une attention particulières aux affiches, parfois déjantées, placardées un peu partout dans le centre-ville lyonnais. Ces noms ont aussi un point commun, ils ont tous, au moins une fois, frôlé le plancher d’une scène ouverte de Kandidator et jouent aujourd’hui dans les principaux cafés-théatres de la ville : Complexe du Rire, Espace Gerson, Tontons Flingueurs, Boui-Boui … En quelques années, Kandidator s’est véritablement imposé comme le filtre de la nouvelle scène des comédiens lyonnais. René-Marc Guedj l’affirme :
80% des programmations des cafés-théâtres à Lyon sont des artistes qui sortent de Kandidator
Kandidator est un tremplin qui permet à tout le monde de faire « ce qu’il veut sur une scène de théâtre pendant cinq minutes. » Le concept est né en 2011 d’une amitié, celle du regretté Laurent Violet et René-Marc Guedj et d’une idée, celle de faire émerger des jeunes talents grâce à des scènes ouvertes où la libre expression est reine. « Nous voulions également contrer l’émission de Laurent Ruquier, On ne demande qu’à en rire. Nous avons donc lancé notre première scène ouverte, aux Feux de la Rampe à Paris » réplique René-Marc. Le nom Kandidator était alors une référence à l’élection présidentielle qui se décantait au même moment, une référence à cette volonté de « promouvoir et de faire vivre une liberté d’expression absolue » souligne René-Marc. Rapidement, ce concept qui cherche à « bouleverser les consciences » et où tout semble permis attire de plus en plus de monde. « Nous avons connu quelques dérives et donc il nous a fallu réfléchir à un moyen de filtrer, c’est ainsi que nous avons mis en place le système des pantoufles : l’idée était d’offrir au public des pantoufles, qu’il pouvait jeter si le spectacle ne lui plaisait pas... Aujourd’hui, pour plusieurs raisons, on a abandonné ce système. »
Kandidator s’installe dans le milieu parisien, gagne en notoriété et rapidement, plusieurs professionnels viennent participer aux scènes ouvertes pour tester leurs sketchs, c’est le cas d’Olivier de Benoist par exemple, qui viendra pendant plusieurs mois.
Ensuite, Lyon
Kandidator s’implante ensuite à Lyon. Ce soir-là, nous sommes au Rideau Rouge, à la Croix-Rousse : les portes s’ouvrent, le public, composé de proches ou de curieux, s’installe. De l’autre coté du rideau, la quinzaine d’artiste s’impatiente. Stand-ups hilarants, mimes intriguants ou sketchs gênants, à tour de rôle ces amateurs s’affrontent aux réactions de la salle. Ici, le public ne ment pas et fait l’effet d’un miroir, d’un ô mon beau miroir quand la blague est réussie ou d’un boomerang violent quand elle n’est pas saisie. Jusqu’au moment le plus redouté d’une soirée qui aura duré plus de deux heures : l’applaudimètre. Celui qui gagnera les louanges du public accèdera au concours national organisé par Kandidator et rejoindra ainsi les autres lauréats des précédentes scènes ouvertes.
Olivier De Benoist, Chantal Ladesou, Laura Lone, Mélanie Rodriguez… Ce sont quelques noms d’humoristes passés par Kandidator
2018 est la 5ème année du concours national de Kandidator. De septembre à avril sont organisées ces différentes sélections à l’applaudimètre à Lyon et à Paris, puis d’avril à juin, se déroule le concours national à Paris, avec cette fois un jury de 25 professionnels. Une émission de télé sur la chaine Viagrandparis lui est dédiée. Le lot de la victoire : un lancement de carrière, avec une production et un contrat. C’était notamment le cas du Lyonnais Jaques-Henri Nader, grand vainqueur du concours il y a deux ans, qui joue maintenant régulièrement au Boui Boui.
Kandidator (dernière scène ouverte pour 2018)
Au Rideau Rouge le lundi 26 mars à 19h45
Rencontre avec Jean-Baptiste Siaussat, ancien candidat du concours national
Lyon est la capitale des cafés-théâtres, le public lyonnais est très exigeant … c’est formateur pour nous
Que représente Kandidator pour toi ?
Jean-Baptiste Siaussat : Kandidator a été pour moi un réel tremplin, j’ai pu me confronter au public et retravailler derrière. Je continue à y aller régulièrement, pour travailler des sketchs, pour mon spectacle. Kandidator, à l’inverse d’autres tremplins, mise beaucoup sur une liberté d’expression totale, c’est cela qui m’a plu.
L’aventure, pour moi, a commencé lorsque René-Marc m’a demandé d’écrire un spectacle pour pouvoir ensuite me programmer en showcase aux Feux de la Rampe. Ensuite, tout s’est enchainé assez vite. Des showcases à Paris pendant un an et ensuite, une programmation de six mois au Boui Boui en 2016, puis neuf mois, puis douze mois. Ma dernière est le 8 avril, je jouerai ensuite à Paris, à partir de mai.
Depuis plusieurs mois, vous jouez presque tous les soirs, comment éviter qu’une certaine routine s’installe ?
Mon spectacle évolue en permanence. « Le public le construit » comme on dit. Lyon est devenue la capitale des cafés-théâtres, ici, le public est très exigeant. Pour nous, c’est à la fois difficile, et en même temps, très formateur. Aujourd’hui, nous devons "resserrer" les rires, près d’un rire toutes les 10 secondes, alors qu’à l’époque de Coluche on était autour de 30 secondes. Même si je joue presque tous les jours, il n’y a pas de routine, c’est une rencontre différente tous les soirs avec le public. J’aime beaucoup le côté intime des petites salles des cafés-théâtres, on sent rapidement si le public est réceptif.
Comment préparez-vous vos spectacles ?
Je me filme très souvent et je retravaille sur ma prestation grâce à la vidéo. J’écoute également beaucoup les conseils de mes amis comédiens. Vous savez, entre nous, c’est très fraternel, on n’est pas dans la concurrence.
Comment expliquez-vous le succès que vous connaissez ? Vous parlez de votre propre vie dans vos sketchs, de votre vécu, de votre parcours de la ferme jusqu’à la capitale … Est-ce cette authenticité qui plait et qui est demandée aujourd’hui ?
Effectivement, je crois, qu’il y a un retour au personnage dans les sketchs appréciés du public lyonnais. Avec le Jamel Comédie Club, ou ce qu’on peut voir de temps en temps à la télé, peut-être que le public se lasse de ces thèmes qui sont souvent les mêmes. Par exemple, je pense que si Jacques-Henri Nader tourne bien, c’est parce qu’il joue avec un langage très élaboré et qu’il travaille sur les personnages. Ce retour au personnage, à l’authenticité, c’est un sentiment qui est assez général, aujourd’hui dans le milieu.
Rencontre avec Vincent Boubaker, candidat au concours 2018
Un one man show, c’est comme une musique, il faut du rythme
Tu participes à l’aventure Kandidator, tu as été qualifié pour le concours national grâce à une victoire à l’applaudimètre, au Rideau Rouge. Quel regard portes-tu sur ce concept ?
Vincent Boubaker : Kandidator est comme beaucoup d’autres tremplins ; une chance pour toutes les personnes qui souhaitent s’essayer à la scène, je pense par exemple aux Lions du Rire ou au Comédie Club. J’ai fait la connaissance de ce concours il y a un an et demi et c’est grâce à Kandidator que j’ai pu monter sur scène pour la première fois en solo. Cette expérience m’a permis de passer un cap : celui d’affronter le public seul avec mon propre texte. Tout cela sans présélection car pour se présenter au concours à Lyon, il suffit d’un entretien téléphonique avec l’organisateur, donc tout le monde a sa chance. C’est en commençant à participer à cette scène ouverte que j’ai créé mes premiers sketchs qui devraient bientôt aboutir, je l’espère, sur un spectacle.
Comment se prépare-t-on avant de monter sur scène ? Comment faut-il rythmer un spectacle ?
Pour préparer mes sketchs, j’ai la chance d’avoir pu m’appuyer sur une association d’aide à la création artistique, basée à Saint-Ouen. Elle me laisse une salle de répétition à ma disposition. Chaque fois que j’y vais je prend mon magnétophone et j’enregistre toutes les idées qui m’ont traversé l’esprit, ensuite, je réécoute et je retravaille en peaufinant deux trois choses pour qu’il y ait du rythme. Je présente le résultat à des gens de confiance, afin de recueillir leurs avis et suggestions. J’ai besoin d’être dans ce contexte pour créer ; c’est à dire : être sur une scène dans une salle vide et parler, tout simplement. Je laisse venir ce qui me vient sur l’instant. Le rythme d’un one-man-show s’installe au fur et à mesure des répétitions … c’est comme une musique. À Kandidator, la durée du passage étant de cinq à sept minutes, il faut se se préparer et s’obliger à condenser. Il faut aller au plus efficace, et donc avoir un rythme très soutenu.
Devenir humoriste aujourd’hui dans les cafés-théâtres est-il un parcours du combattant ? Quel est ton parcours perso ? Tes projets actuels ?
Je pense que se faire programmer est très difficile car il y a beaucoup de monde dans ce métier et donc beaucoup de concurrence. Pour autant, se faire programmer est une chose, que ton spectacle fonctionne en est une autre. Dans le domaine du one-man-show, nous sommes souvent dans des théâtres privés qui marchent sur recette, donc le rapport financier n’est pas le même que dans le théâtre public où les artistes qui y jouent sortent des grandes écoles et peuvent se retrouver, avec un peu de chance, sur des spectacles subventionnés avec de grands metteurs en scène. Ceci dit, même en venant du théâtre public, c’est à dire d’un conservatoire départemental ou d’une école nationale, être pris dans un spectacle ou jouer avec une compagnie reste également très difficile.
J’ai commencé à faire du théâtre dans des petites compagnies à Lyon afin de me préparer aux écoles nationales, j’ai même suivi des cours dans un conservatoire en Seine-Saint-Denis pour me préparer à ses auditions que je n’ai malheureusement pas eues. À côté, je vis de petits boulots et passe des castings en région lyonnaise pour des rôles complémentaires dans des téléfilms. J’ai joué, notamment, un rôle dans les deux saisons de la série Les Revenants sur Canal+. Mais actuellement, je cherche surtout à créer mon premier one-man-show, je devrais bientôt pouvoir le présenter dans un bar lyonnais, courant mai. En attendant, je le travaille par des scènes ouvertes (le 26 Mars à l’Espace Gerson et le 12 avril au Comedy Club.
par ELLIOTT AUBIN